1 – L’histoire inachevée

L’histoire inachevée

Date de publication originale : 17 juillet 2005

La colonne centrale monta et descendit une dernière fois, quand le TARDIS s’immobilisa en terrain connu.

« Alors… » dit Rose. « Où sommes-nous cette fois ? »

« Terre, 2012 », le Docteur lui répondit.

« C’est seulement 5 ans après que je suis partie. Qu’est-ce qu’on va faire ? Vérifier si Arsenal est toujours à la tête de la Premier League ? »

« Pas la peine, tout le monde sait que Burnley ont été champions 5 ans d’affiliée »

« Sérieusement ? »

« J’ai l’habitude de plaisanter ? »

« Des fois… En tout cas, je pense que je n’ai pas besoin de me changer. Les jeans sont toujours à la mode ? »

Le Docteur lui adressa cette espèce de sourire qui faisait toujours battre son cœur plus vite que d’ordinaire et prit ses mains dans les siennes.

« Pourquoi on est là, alors ? » Elle demanda alors qu’ils sortaient tous les deux du TARDIS et voyaient un matin gris, morne et maussade du nord londonien.

« Pour vérifier quelque chose. Je l’ai vu dans les banques de données et ça ne sonnait pas vrai. Je pense qu’il y a une rupture dans le continuum temps. »

« De quoi ? »

« Je crois qu’une réalité alternative a été crée, presque identique à celle que l’on connaît, mais avec des différences subtiles qui peuvent, ou non, être catastrophiques »

« Les choses ne semblent pas catastrophiques. » Ils avaient tourné dans une rue familière. Au loin, il y avait des HLM qui avaient été un foyer pour Rose avant qu’elle ne rejoigne le Docteur. Rien ne semblait avoir changé. Il aurait fallu un ÉNORME cataclysme pour les changer. « Allons voir maman. Elle saurait si quelque chose de catastrophiques était arrivé. »

« Seulement si c’était arrivé au Top Shop » dit le Docteur. Rose lui lança un regard dégoûté, mais elle le connaissait bien assez. Il s’inquiétait pour sa famille autant qu’elle. Il n’était juste pas un homme d’intérieur.

Quand ils arrivèrent à l’entrée, ils virent que quelque chose se passait. Peut-être que ce n’était pas un événement catastrophique, mais suffisant pour faire apparaître aux fenêtres presque tous les habitants du HLM pour avoir une meilleure vue. Il y avait une ambulance avec ses lumières allumées et aussi une voiture de police. Les ambulanciers portaient des masques. Les policiers également et repoussaient tous ceux qui n’en portaient pas.

« Mickey ! » cria Rose au visage le plus familier de la foule. Mickey Smith se tourna et elle s’arrêta net, surprise par son regard. Ce n’était pas qu’il avait 7 ans de plus que la dernière fois qu’elle l’avait vu – car les différences étaient minimes. Mais il paraissait fatigué et effrayé, bien au-delà de sa légère couardise habituelle.

« Rose… de tous les moments pour réapparaître ! » Il se tourna vers le Docteur. « Et vous… Je suis presque content de vous voir. Rose, tu dois… c’est ta mère… » Il la prit par le bras et la tira vers le policier le plus proche. « Elle doit y aller. C’est sa mère. » Le policier la regarda, puis Mickey.

« D’accord, elle peut aller dans l’ambulance, mais elle doit porter un masque. » Il lui donna un masque en plastique et la prit par le bras. « Ça va être un choc… » il commença mais à ce moment-là, d’autres ambulanciers apparurent à la porte d’entrée avec un brancard. Rose se libéra et courut vers sa mère. Elle pâlit quand elle la vit. Elle semblait vingt ans de plus, son visage ridé et sa peau cireuse, ses yeux enfoncés dans les orbites.

« Maman… oh, maman… Qu’est-ce qui s’est passé ? »

« Ce serait mieux si elle n’essayait pas de parler tant que son état n’est pas stabilisé », dit gentiment l’ambulancier. « Allez, ils veilleront sur elle à l’hôpital. »

Rose regarda sa mère sur le brancard, puis se tourna vers le Docteur, debout à côté de Mickey. Il tenta de venir à elle, mais la police le força à reculer. Elle vit Mickey mettre une main sur son épaule et pointer un doigt vers une voiture garée pas très loin. Le Docteur acquiesça et fit signe à Rose d’aller dans l’ambulance. Elle comprit. Il serait juste derrière.

Le Docteur suivit Mickey vers la voiture. Il était surpris. « Mickey l’idiot conduit une Audi ? Qu’est-ce est arrivé à la Mini ? »

« Les temps ont changé » dit Mickey alors qu’il s’asseyait dans le siège conducteur. Le Docteur grimpa dans le siège passager et regarda la banquette arrière où était fixé un siège enfant.

« Mickey l’idiot est PAPA ? »

« Les temps ont changé » Répéta Mickey. « Ne le dites pas à Rose. Elle a assez à faire avec sa mère. Je ne veux pas enterrer notre vieille histoire dans un moment comme ça. De toutes les personnes qui auraient pu l’avoir. »

« Avoir quoi ? » Demanda le Docteur. « Qu’est-ce qui est arrivé à Jackie ? »

Cela sembla des années avant qu’elle soit admise dans la salle d’isolement. Rose regarda à peine combien d’autres lits étaient là, entourés de moniteurs bipant, avec des personnes semblant aussi malades que sa mère, voire pire. Elle voyait seulement le lit du fond où Jackie Tyler a été mise à l’aise. Elle alla au fond dans un état second, ne digérant pas ce qu’on lui avait dit, parce que ça ne pouvait pas être vrai. Ça ne pouvait pas. Sa mère ne pouvait pas être en train de mourir.

Mais la voir, avec le masque sur sa bouche et son nez pour l’aider à respirer, une intraveineuse plantée dans son bras et les bruits des machines autour d’elle avec des nombres que Rose comprenait moins que ceux sur la console du TARDIS, lui dit la vérité qu’elle ne voulait pas affronter. Sa mère mourrait. Rose poussa un lourd sanglot, malgré elle.

« Rose, mon cœur… » Sa mère parla avec difficulté et elle se pencha plus près pour l’écouter. « Je suis contente que tu sois ici. Je ne sais pas comment il savait… mais il t’a amenée à moi. »

Il ne savait pas. Rose assumait qu’elle parlait du Docteur. Jackie l’appelait toujours ‘il’ – pas par son nom – quoique Le Docteur n’était pas son nom. Mais c’était juste une coïncidence. Ils n’étaient pas là pour que Rose soit avec sa mère dans ses derniers moments. Ils étaient là à cause d’une fracture dans le Continuum Temps. Et quoique ce soit, ce n’avait rien avoir avec Jackie Tyler mourante.

Rose regarda sa mère de nouveau. Elle s’était endormie. Ou… Le cœur de Rose plongea un instant, mais le bip rassurant de l’électrocardiogramme n’avait pas changé. La ligne en zigzag qui prouvait que sa mère était toujours vivante serpentait à travers l’écran et l’écran montrant la pression sanguine affichait ses nombres changeant constamment.

« Rose… » Elle sentit une douce pression sur son épaule et regarda le visage du Docteur, adouci par la compréhension, quand il pouvait si souvent être amer, sarcastique, colérique, voire mesquin. « Viens, on doit y aller. »

« Je ne peux pas » dit-elle. « Je dois rester avec ma mère. Je dois être avec elle… à la fin… » Elle pleurait malgré elle. Il fut un temps où elle détestait sa mère. Mais en même temps…

« Tout va bien se passer » dit le Docteur. « Au moins… je crois que ça se peut. On peut essayer de faire que ça n’arrive pas. Rose, je t’ai aidée à être avec ton père quand il est mort. Je crois que je peux t’aider à ne PAS être avec ta mère. Mais on doit sortir d’ici. »

Rose le regarda pendant qu’il lui prit la main. Elle regarda de nouveau sa mère, maintenant endormie. Elle ne saurait même pas qu’elle serait partie. « Si… ce que tu penses pouvoir faire… ne marche pas… ramène-moi à temps pour être avec elle. Ne la laisse pas savoir que je suis partie. »

« Je promets » dit-il. Elle se leva et prit sa main. Avec un regard en arrière vers sa mère, elle vint avec lui. Pendant qu’ils marchaient vers la sortie, elle réalisa ce qu’elle n’avait pas vu avant. « TOUTES ces personnes meurent ? Il doit y avoir au moins 30 lits ici. »

« Oui » dit le Docteur. « Et 300 personnes de plus dans cet hôpital, environ 1 million en Grande-Bretagne – un milliard dans le monde. Il y a 2 ans, une nouvelle souche apparut, une souche infectieuse par contact physique, comme le SIDA. Du monde commença à mourir en quantités jamais vues alors. Et alors, il y a deux mois, une souche aérosol devint épidémique comme une peste. »

Ils étaient en dehors de l’hôpital maintenant. Le Docteur enleva son masque. « Inutile de toute façon. Si on devait l’attraper, ça aurait été fait dès qu’on est sortis du TARDIS. » Mickey attendait près de l’Audi. « On doit y aller. » Il mit sa main dans sa poche et sortit la clé du TARDIS. Il appuya dessus et elle se mit à briller. Ils entendirent le son familier, suivi par le vent quand l’air fut déplacé par la boîte bleue en matérialisation.

« Laissez-moi venir, aussi » dit Mickey. « Je veux aider. »

« Tu as des responsabilités ici. » Il regarda, avec un regard lourd de sens, le siège bébé. « Tu restes ici où tu appartiens et prends soin des responsabilités de Mickey l’idiot. Et quand tout sera remis en ordre… On reviendra pour voir si a cuisine de Jackie s’est améliorée depuis la dernière fois. » Il prit fermement Mickey par l’épaule et ils échangèrent un regard comme deux hommes partageant des fardeaux égaux. Il emmena alors Rose dans le TARDIS.

« Où est-ce qu’on va ? » demanda Rose alors qu’il démarrait le rotor temporel. « Ou plutôt QUAND ? »

« 1912 » dit-il.

« Pourquoi ? Quoi ou qui était là en 1912 qui a quelque chose à voir avec ma mère et des millions d’autres gens en train de mourir en 2012 ? »

« Les grands-parents de Letitia Daniels, la scientifique qui a découvert l’antisérum pour traiter le cancer infectieux et l’a inoculé à la population AVANT qu’il ne devienne transmissible par l’air. Je les ai rencontrés une fois. Une famille très bien. Ils n’ont jamais réalisé ce que j’ai fait pour eux. »

« Tu as fait quoi ? »

« J’ai volé le portefeuille de M. Daniels. »

« Ah ! D’accord. Bien sûr. Tu es un pickpocket dimensionnel. »

« Un de mes nombreux talents. » Il la regarda. Elle avait arrêté de pleurer dès qu’ils avaient embarqués dans le TARDIS. « Je sais que tout ça n’a aucun sens » dit-il. « Mais est-ce que tu CROIS que je peux remettre les choses dans le bon ordre ? »

« Oui. Tu le fais tout le temps. Mais… quelque part… ICI, dans le TARDIS, on n’est pas à un endroit dans le temps et dans l’espace, si ? Donc ce qui s’est passé… ne s’est pas passé. Donc il n’y a pas besoin de s’inquiéter, si ? »

« Non. » Il sourit. « Je suis content que tu gardes cet état d’esprit. » Il bascula quelques interrupteurs et des choses incompréhensibles bipèrent.

« Au fait » dit-il, « je plaisantais. »

« Quoi ? » Rose le regarda. « À propos de quoi ? »

« C’était pas Burnley qui a gagné la Coupe cinq fois de suite. C’était Preston North End. »

Rose le fixa pour un moment et alors éclata en sanglots. Il continua son travail silencieusement. « Les humains » dit-il dans ses dents. « Quand ils disent qu’ils n’ont pas besoin de pleurer, ils en ont TOUJOURS besoin. »

Le circuit temporel du TARDIS indiqua la date terrestre du 10 avril 1912. Actuellement, le Docteur et Rose émergèrent, habillées dans un costume d’époque. Le Docteur ressemblait à un docteur edwardien dans un costume avec un col haut et un haut-de-forme. Rose semblait, selon la phrase favorite du Docteur, fantastique, avec une robe de soie rouge qui arrivait à ses chevilles, avec un chapeau blanc à larges bords couvert par des fleurs, des fruits et un voile bordeaux pour la protéger de la brise de mer. Il la prit par le bras pendant qu’ils allaient vers la foule regroupée sur la berge d’un paquebot. L’Histoire n’était pas le point fort de Rose, mais il y avait les films et quelque chose commença à être familier quand ils s’approchèrent.

« C’est… c’est… oh mon… Oh ! »

« Le Titanic » dit le Docteur, ses yeux brillant bien qu’il sache certainement plus que Rose. « Fan-tas-tique. »

« Oui, c’est sûr. Mais… » Pendant qu’ils le regardaient, la corne de brume du bateau sonna et une clameur montait de la foule. Il commença à bouger, lentement au début, comme le font les paquebots, puis un peu plus vite. La foule cria de joie et ils pouvaient voir les passagers, sur tous les ponts, faisant de même. Le Titanic embarqua pour son premier et unique voyage.

« Pour vous, Docteur. » Ils se tournèrent en entendant une voix proche. Un gamin des rues de la moitié de la taille du Docteur mit une lettre dans sa main et s’enfuit en courant. Il commença à le pourchasser, mais réalisa qu’il était trop tard. Le gamin avait déjà disparu dans la foule. Il ouvrit la lettre et la lut rapidement.

Cher Docteur,

Merci pour votre assistance hier, quand mon portefeuille fut volé avec tout notre argent et les billets pour voyage. Vous serez heureux d’apprendre que, après que vous nous aillez laissés à l’hôtel, le portefeuille nous fut rendu par un honnête homme qui ne demanda aucune récompense et ne laissa pas son nom. Nous embarquons sur le Titanic dans peu de temps. Dieu vous bénisse pour votre aide généreuse et votre assistance,

Ronald Daniels

Le Docteur se tourna pour voir le Titanic lancé vers la haute mer, la foule commençant à se disperser maintenant qu’il n’était plus possible de voir leurs êtres aimés à bord. « MERDE ! » cria-t-il. Rose, qui l’entendait rarement jurer, même quand il n’était pas en costume d’époque, était choquée.

« Allez. » Il tourna et mena Rose directement au TARDIS sans même accorder un regard en arrière ou une pensée à l’étrangeté de leur situation quand ils rentraient dans la petite boîte bleue.

« Qu’est-ce qui se passe ? » demanda Rose alors que le Docteur passa directement la salle de contrôle et ouvrit une porte qu’elle n’avait pas remarquée jusqu’à présent pour révéler une salle bordée d’armoires. « C’est quoi cet endroit ? » demanda-t-elle.

« Les archives de matériel imprimé du TARDIS. Pour les documents qui ne rentrent pas dans une base de données électronique. »

Il savait évidemment son chemin au travers de l’archive puisqu’il alla directement à un tiroir particulier et l’ouvrit.

« On s’est fait avoir » dit-il, répondant à la première question. « Je me suis ENCORE fait avoir. » Il prit une feuille du tiroir et lui donna. Elle la reconnut directement. Elle l’avait déjà vue. Le conspirationniste Clive lui avait montré dans son atelier plein de souvenirs d’un mystérieux Docteur voyageant dans le temps qui amenait la mort et la destruction. ‘M. et Mme. Daniels, leur famille et un ami, avril 1912.’ Il y avait un homme et une femme dans leurs meilleurs habits, une fille d’environ douze ans, une autre de près de huit ans, un garçon, peut-être de cinq ans et un bambin. L’ami était le Docteur. « J’ai réparé cette fracture avant, en faisant en sorte que la famille Daniels ne monte pas à bord du Titanic. »

« En volant le portefeuille ? »

« Oui. Pas de tickets, pas d’argent, pas de Titanic. »

« Mais… »

« Nous avons un touche-à-temps. »

« C’est quoi un touche-à-temps ? »

« Il n’en reste plus beaucoup aujourd’hui. Les Seigneurs du Temps en ont réprimé la plupart. Mais quelques-un sont passés au travers. Ils sont une sorte de gremlin dimensionnel. Ils jouent avec la causalité, juste pour s’amuser. Ils font des minuscules ajustements dans le continuum temps qui font passer les univers alternatifs de l’un à l’autre. Dans la réalité originale, les Daniels ONT manqué le bateau en perdant leurs tickets. Ils ont voyagé par un autre bateau deux semaines plus tard et ont vécu une bonne vie aux États-Unis. Leur arrière-petite-fille, Letitia Daniels est devenue une célèbre immuno-biologiste qui a gagné le Nobel de médecine après avoir trouvé un remède pour cancer infectieux. ON est arrivé chez Jackie pour un repas parfait. ALORS le touche-à-temps est intervenu. Les tickets n’ont pas été perdus. M. Daniels a laissé tombé son portefeuille à la gare ferroviaire de Southampton, mais le touche-à-temps l’a glissé de nouveau dans sa poche. Je devais les revoler et prétendre que j’aidais les Daniels en leur trouvant un hôtel le temps qu’ils se réorganisaient. C’est là que la photo a été prise. Le jour APRÈS le départ du Titanic. Mais le touche-à-temps l’a encore fait. Il a dû ME voler. Et maintenant, le bateau est parti et les Daniels sont à bord. Ils n’auraient jamais dû. D’une façon ou d’une autre, ils auraient dû manquer le bateau. »

« Et pourquoi on ne peut pas revenir il y a quelques heures et les voler encore une fois ? »

« Parce que cette ligne a été fixée dès que le paquebot est parti. C’était le point de non-retour où tout est devenu inévitable. Si on retourne dans le temps et interfère maintenant, ça ne va pas changer la causalité vers ce qu’elle était. Ça va juste altérer CETTE ligne temporelle. Et tu sais ce que ça veut dire. »

« Ces horribles choses – les faucheurs – prenant les gens, tant qu’il y en a et la Terre mourant tout simplement. »

« Oui »

« Et si on n’altère pas la ligne temporelle… »

« Un cinquième de la population meurt d’une maladie incurable en 2012/13 – dont ta mère, Mickey, sa petite amie et son fils. »

« Sa… pas Linda Watson de Cable End ? »

« Est-ce que ça compte ? »

« Non. Parce que tu vas mettre les choses en ordre et aucun d’eux ne va mourir. »

« Il va toujours être avec Linda Watson. »

« Je sais. Mais il sera en vie. »

« OK. Bon, assez parlé. On doit aller à bord. Commençons par le commencement. » Le Docteur tourna autour de la console jusqu’à un grand panneau couvert. Il le souleva et appuya sur le bouton à l’intérieur. Il y eut un sifflement assourdissant, du silence, et alors – « Bon sang, Docteur, tu sais comment me gêner dans mon approche. J’étais en train d’emmener deux tourtereaux et un Jack dans l’Italie du XVIIIe siècle. »

« Jack ! » Rose courut pour embrasser le coureur de jupons de l’espace qui était invoqué par le bouton de rappel inter-dimensionnel du TARDIS. Le Docteur regarda la façon dont il l’étreignait avec une jalousie à peine dissimulée. Jack était plus proche de son âge et était bien meilleur pour donner de l’affection de la manière que les filles aimaient. Enfin, il avait BEAUCOUP plus d’expérience après tout. C’était facile pour lui.

« Les vacances sont finies » dit le Docteur, coupant court à leur réunion. « On a des problèmes à régler. J’ai besoin que tu balayes Southampton pour un touche-à-temps. Tes gadgets vont facilement noter quelque chose non-contemporain, et tu sais comment les neutraliser. »

« Une salve de dix secondes de rayons gamma détruit leur capacité de se transporter. S’ils essaient, leur tête explose. »

« Beurk ! » dit Rose.

« Ils le méritent, ce sont le fléau de l’Univers » dit Jack. « Ils devraient être bloqués et exterminés. »

« Bon, maintenant » dit le Docteur. « C’est un peu trop. Ce n’est pas comme s’ils voulaient faire du mal en faisant ça. C’est leur hobby – transplanter les lignes temporelles – comme certains font des topiaires ou s’occupent de bonsaï. Être bloqué et obligé de vivre pendant la fin du XXᵉ siècle est une punition suffisante. »

« Un destin pire que la mort » dit Jack avec un sourire. Il embrassa Rose sur la joue et vérifia ses « gadgets » avant que le Docteur ouvre la porte du TARDIS sur le Southampton de 1912 de nouveau.

« Rose… « dit-il. « Peut-être que tu devrais rester ici avec Jack. Ce que je dois faire est dangereux. »

« Depuis quand ça a de l’importance ? Je reste avec toi. » Le Docteur la regarda, puis Jack, et un léger sourire triomphant traversa son visage. Jack avait la jeunesse et le charme de son côté, mais…

« OK, on y va. Assez parlé. Et garde ta concentration sur le boulot et laisse les femmes edwardiennes. » Jack agita vivement sa main avant de sortir du TARDIS. Les portes se fermèrent et le Docteur pressa des boutons et des cadrans bobinés pour se préparer à la dématérialisation.

« Où est-ce qu’on va dans tous les cas ? »

« On doit rattraper un bateau qui est sur le point de heurter un iceberg et faire en sorte que la famille Daniels parvienne en vie à bord des canots de sauvetage. Le danger principal est en fait de faire atterrir le TARDIS sur le bateau et pas dans la mer ou d’aller cogner directement l’iceberg. »

« Le TARDIS peut flotter ? » demanda Rose.

« J’ai jamais essayé de savoir » dit le Docteur. « Et j’ai pas l’intention de faire d’aujourd’hui le jour où je l’apprends. Donc tais-toi un moment tant que je fais les calculs. »

« Pourquoi on doit les faire aller dans les canots ? Pourquoi on ne peut pas les faire passer par le TARDIS et les sortir de là ? »

« Les lignes temporelles sont des choses délicates. Si je prends quelqu’un hors de son temps, pour ne serait-ce que quelques minutes, ça pourrait bouleverser l’équilibre et les faucheurs seraient de retour. Je dois laisser la nature suivre son cours tant que possible. Le Titanic DOIT sombrer mais six personnes, qui n’auraient pas dû y être dans tous les cas, peuvent aller dans les canots et survivre, et alors cette ligne temporelle sera la même que l’originale. Letitia Daniels sera née aux États-Unis et grandira pour devenir une immuno-biologiste célèbre. »

« D’accord… donc COMMENT on les trouve ? »

« C’est toujours la question embarrassante avec toi, non ? » Le Docteur regarda ses instruments et fit un dernier tour de poignée. « Là ! J’ai réussi la première partie du plan. » Alors qu’il appuya sur le contrôle de la porte, Rose se tourna, à moitié préparée à voir de l’eau glacée se précipiter dans le TARDIS. Ce qu’elle eut, dès que l’atmosphère à l’intérieur et à l’extérieur furent égalisées, fut la conscience que le TARDIS était en mer. Elle se sortit sur la promenade supérieure du Titanic. Une lampe électrique rendait le pont aussi lumineux qu’en plein jour, même s’il faisait nuit noire au-delà de la barrière et rien n’était visible, à part quelques faibles étoiles dans un ciel nocturne brumeux. Instinctivement, elle marcha vers la proue, où les barrières se rejoignaient. Le vent souffla ses cheveux vers l’arrière. Le Docteur vint derrière elle alors qu’elle espérait qu’il fasse et elle sourit secrètement. Elle ferma les yeux et tendit ses bras vers les côtés. « C’EST comme voler » dit-elle triomphalement après quelques minutes. Elle se demanda si le Docteur avait vu le film.

« Iceberg, droit devant » murmura-t-il dans son oreille, brisant son rêve éveillé. Elle ouvrit les yeux et regarda, attendant de voir la grande montagne de glace tueuse devant elle. « Je plaisante. Mais il n’est pas loin. Il est temps qu’on trouve la famille Daniels. »

« Temps de trouver le capitaine et le prévenir ? » suggéra Rose. « Non. On ne peut pas, si ? Il ne nous croirait pas de toute façon, je pense. Et ce serait changer les choses – temps des faucheurs. »

« La famille Daniels et personne d’autre » dit le Docteur avec empathie. « Ce serait plus facile si tu n’interagissais pas avec trop de monde. » Il pouvait voir les mots « pourquoi pas » se former sur ses lèvres. « Parce que si tu ne les connais pas, tu ne peux pas te soucier d’eux et tu ne peux pas les pleurer. Il y a 2 214 personnes sur ce bateau – dont nous. 705 vivront, le reste va mourir. On ne peut pas changer ça. On ne doit pas. Et c’est d’autant plus facile s’ils ne sont que des nombres. Prends exemple sur moi. Je connais ce genre de choses. » Alors il la prit par le bras et marcha vers la poupe. « Qu’est-ce que tu faisais au bout, en fait ? »

« Oh, rien » dit-elle en rougissant. Je suppose qu’il ne regarde pas de films, elle ajouta à elle-même.

C’était comme être DANS un film, Rose pensa alors qu’ils marchaient nonchalamment parmi les passagers flânant sur le pont supérieur du Titanic dans le soir frais. Le dîner était terminé et on dansait dans la salle de bal. La musique flottait à travers les fenêtres. Des couples dans d’élégantes tenues de soirée et des robes couvertes de pardessus marchaient, ou se bécotaient dans ce qu’ils pensaient des coins tranquilles. « S’ils savaient… » dit Rose silencieusement. « S’ils savaient… est-ce qu’ils feraient quelque chose autrement ? »

« Y a-t-il une meilleure façon de passer ses dernières heures avec quelqu’un que tu aimes ? » C’était une vieille philosophie du Docteur. L’amour n’était pas quelque chose dont il parlait. Elle n’était pas entièrement sûre qu’il connaissait le concept. L’amitié, la loyauté, la confiance mutuelle, oui. Mais l’amour… « Enfin, bref… Ce sont des premières classe. La plupart d’entre eux seront sauvés. »

« Oh… on voyage en première alors ? » demanda Rose.

« On dirait. Fais confiance au TARDIS pour nous mettre à l’aise. »

« Euh… Et pour la famille Daniels ? Est-ce qu’ils sont en première ? »

« Non, deuxième » dit le Docteur. « Ah… bonne remarque. » Il se dirigea vers les escaliers menant au pont juste sous celui où ils étaient. Une porte leur barrait la route avec un panneau indiquant que c’était le chemin vers le pont de deuxième classe. Elle était verrouillée et vissée. Le Docteur sortit son tournevis sonique et l’ajusta. Un peu plus tard, le verrou avait fondu. « Ils vont avoir besoin de portes d’accès ouvertes dans pas longtemps de toute façon » dit-il. « Tous les canots sont sur ce pont. »

Ils étaient en bas des marches quand le Docteur s’arrêta. Il regarda sa montre et attrapa Rose fermement par les épaules avec un bras pendant qu’il attrapait la rampe de l’escalier avec l’autre. « Ça y est » dit-il. Tout d’un coup, le bateau vibra violemment et dans l’air flottait un étrange son qui, pour Rose, sonnait quelque chose comme la dématérialisation du TARDIS – un son de métal torturé, se déchirant, grinçant et se pliant sous le coup d’une grande force.

Le Docteur tira Rose sous la cage de l’escalier métallique, dos à la cloison. Ils regardaient tous les deux dans un état de choc l’iceberg glissant près d’eux. Ils étaient presque assez près pour l’atteindre et le toucher. Rose pensa qu’elle pouvait sentir dans ses pieds la coque du bateau tombant en pièces sous le niveau de la mer. Des énormes et dangereux morceaux de glace étaient fauchés et tombaient sur le pont, certains très proches d’eux. Si le Docteur ne savait pas exactement ce qui allait se passait, ils auraient pu se retrouver piégés dedans.

Cela continua pour un long moment, mais s’arrêta aussi soudainement que ça avait commencé. Les moteurs continuaient de tourner. Le navire bougeait toujours et de la glace continuait de tomber, mais pour le moment, au moins, le pire était fini.

« Allez » dit le Docteur. « On doit encore trouver la famille Daniels. »

Ils coururent et dérapèrent à moitié, le long du pont parsemé de glace et atteignirent l’entrée du salon sains et saufs. À la stupéfaction de Rose, il n’y avait aucun signe de problème à l’intérieur. Un steward nettoyait les boissons renversées pendant qu’un autre en versait d’autres. Une partie de bridge continuait, avec la même vigueur.

« Ce bateau va couler dans deux heures » leur cria le Docteur. « Ne restez pas assis là. Enfilez au moins des gilets de sauvetage. » Le brouhaha de la conversation s’arrêta un moment. Les passagers regardèrent le Docteur puis se remirent à parler, certains rigolant un peu nerveusement, et Rose surpris une conversation – « Il est fou… insubmersible… Gilets de sauvetage, bien sûr… »

« Vous ! » Il attrapa un steward qui transportait des verres vides jusqu’au bar. « Je dois trouver la famille Daniels. Savez-vous où ils sont ? » Il montra ce que Rose reconnut comme son papier psychique. Il sembla dire au steward qu’il était une sorte de détective privé.

« Venez par ici, monsieur » dit-il. Le Docteur et Rose le suivirent vers le couloir de la cabine de seconde classe.

« Ce sera tout » dit le Docteur. « Vous pouvez retourner servir des boissons. Tant que vous pouvez. Mais enfilez un gilet de sauvetage avant. » Le steward s’en alla précipitamment. Le Docteur frappa à la porte de la cabine. M. Daniels répondit. Il était en robe de chambre.

« Docteur ? » s’exclama-t-il, surpris, en le reconnaissant. « Je ne savais pas que vous étiez à bord. »

« Qu’importe » dit le Docteur. « Vous devez tous vous habiller et venir avec moi. »

« Quoi ? Mais… Je ne comprends pas. »

« Vous n’avez pas entendu le fracas ? Ce bateau va couler. »

« Mais il ne peut pas… » Le Docteur poussa un soupir d’exaspération.

« La prochaine personne à me dire ça se retrouvera laissé à bord quand il ira par le fond. » Il regarda alors durement M. Daniels et répéta clairement. « Habillez-vous et venez avec moi. Faites exactement comme je dis. »

Rose se demanda s’il était en trains de l’hypnotiser. Peut-être que oui, puisque il n’y eut plus d’autre dispute. Quelques minutes plus tard, la famille Daniels était habillée et attendait son prochain ordre. Mme Daniels semblait effrayée, le bébé pleurait, le garçon semblait fatigué et fébrile, et les trois filles avaient les yeux écarquillés avec étonnement pour ce qui arrivait, mais ils obéirent au Docteur quand il leur dit de venir et de se dépêcher. Il les emmena jusqu’au bout d’un couloir où il y avait un placard marqué ‘gilets de sauvetage’. Il utilisa son tournevis sonique pour l’ouvrir et les tendit à la famille.

« Toi aussi, Rose » dit-il, lui donnant un.

« Et toi » lui dit-elle. « Tu n’es pas indestructible. »

« J’ai réussi jusqu’à présent. » Mais il prit le gilet qu’elle lui tendait et le mit sur lui. Dans des vêtements edwardiens, portant un gilet de sauvetage, il ressemblait encore moins à l’homme qu’elle avait connu dans sa veste en cuir et son pull, mais il était toujours celui à qui elle faisait confiance implicitement. « Allez » dit-il, marchant à grandes enjambées dans le couloir. Elle le suivit. La famille Daniels aussi. Qu’importe ce qu’il portait, il dégageait cette qualité immanquable et insaisissable appelée autorité. Les gens faisaient ce qu’il disait.

Leur chemin les mena de nouveau vers le salon. Le steward protesta. « Monsieur, que faites-vous ? Tout le monde devrait rester où il est tant que le petit problème n’est pas résolu. »

« Petit problème ? » Le Docteur se tourna pour regarder l’homme dans les yeux. « Hors de mon chemin » dit-il fermement mais calmement. « Enfilez un gilet de sauvetage et soyez prêts à vous sauver, mais restez hors de mon chemin. »

Dans le silence momentané où le steward semblait débattre de ses options, une femme assise près de là poussa un cri strident. Rose regarda aux alentours et vit que les boissons sur la table glissèrent soudainement sur les genoux de la femme. Le navire s’était visiblement incliné vers l’avant.

« Mettez un gilet de sauvetage, TOUS » cria le Docteur, se tournant et s’adressant à eux de nouveau. « Certains d’entre vous pourraient vivre si vous le faites. » Il écarta alors le steward et guida la famille Daniels abasourdie vers le pont.

Il les mena et les poussa jusqu’à l’escalier vers le pont supérieur. « Continuez » dit-il. « Montez. »

Rose fermait la marche. Alors qu’elle arrivait à la porte en haut de la cage d’escalier, elle entendit des voix furieuses.

« Les deuxièmes classes ne sont pas autorisées ici » hurla un homme en smoking. « Retournez d’où vous venez. »

Le Docteur l’ignora et mena la famille Daniels jusqu’aux canots de sauvetage. Il tira la bâche et aida les plus jeunes Daniels à monter dans le canot, puis les autres. « Allez avec eux » dit-il aux parents. « Allongez-vous. Quand ils commenceront à remplir les canots, ils seront tellement paniqués qu’ils ne remarqueront pas que vous êtes déjà à bord. » Il se tourna alors vers Rose. « Toi aussi. »

« Mais… » protesta-t-elle.

« Reste avec les Daniels » dit-il. « Je te verrai sur le Carpathia. » Il la souleva dans ses bras et la mit dans le canot. Il remit la bâche en place. Il y eut alors un cri. L’homme en smoking était revenu avec un officier de la White Star Line en uniforme qui tira un pistolet et ordonna au Docteur de lever les mains.

« Où sont partis les autres ? » demanda-t-il.

« Ils sont retournés en seconde classe comme vous avez dit » répondit-il. « J’allais sortir cet esquif pour un tour. »

« Vous êtes un clandestin, je me trompe ? » dit l’homme en smoking. « Arrêtez-le tout de suite. »

« Je vais venir calmement » dit le Docteur, s’éloignant du canot. « Mais finissons-en rapidement. Ce bateau va couler dans une heure. »

« Ridicule ! » dit l’homme en costume. « J’ai conçu ce bateau. Il est insubmersible. »

Le Docteur rigola. « Vous savez, chaque fois que vous l’avez dit dans les films, j’ai pensé que c’était ridicule. Je n’arrive pas à croire que vous avez VRAIMENT dit ça. »

« Il est fou ! » L’homme en smoking s’en alla, furieux.

L’officier soupira. « Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais vous feriez mieux de venir avec moi, monsieur. Je vais devoir vous mettre en cellule tant que nous ne savons pas qui vous êtes. »

« Je suis l’homme qui vous dis que ce navire va couler d’ici une heure et que tout le monde encore à bord va mourir » dit le Docteur. Pendant qu’il parlait, la corne de brume sonna et les mots : « abandonnez le navire » commencèrent à se faire entendre sur tous les ponts. Des marins apparurent des zones réservées à l’équipage et commencèrent à actionner le gréement qui soutenait les canots maintenant prêts à être remplis. Alors que le Docteur était emmené, il vit celui où Rose et la famille Daniels étaient mit en action. Pendant ce temps, une foule commençait à se former autour. Bientôt, ils étaient parmi les premières personnes descendues dans la sécurité relative des eaux glacées de l’Atlantique. Il était soulagé.

« Asseyez-vous là » lui dit-on, le menant dans un bureau. Le sol était maintenant en pente raide et quand il alla s’asseoir, la chaise était penchée. « Retournez vos poches. »

Il le fit. Le tournevis sonique, la clé du TARDIS, un paquet de fil dentaire et un yo-yo étaient tout ce qu’il possédait. Il les posa sur la table. Ils roulèrent vers l’autre bout. Juste à ce moment, la porte s’ouvrit brusquement et un officier subalterne demanda la présence de la personne qui l’avait capturé ailleurs.

« Le capitaine dit qu’il fallait que tous les officiers reçoivent une arme de poing » lança le subalterne.

« Très bien » répondit l’officier. « Vous restez ici » dit-il au Docteur et, pour être sûr, il le menotta à la table. Le Docteur soupira pendant que la porte se fermait.

« Fantastique » dit-il. « Je vais par le fond avec le navire. » Il essaya d’atteindre le tournevis sonique, mais il était tout juste hors de portée. Tandis que l’inclinaison du bateau augmenta, le tournevis roula quelques centimètres loin de lui. Même un Seigneur du Temps était à court d’options enchaîné à un bureau au fond de l’océan Atlantique. Il ressentit une vraie peur pour l’un des seuls instants de sa vie, et pensa à l’ironie de la situation : survivant aux attaques Daleks et aux Guerres du Temps, aux génocides et destructions à l’échelle d’une planète, mais condamné à mourir sur Terre au milieu de l’océan et le seul monstre était un bloc de glace inanimé.

La porte s’ouvrit. « Typique » dit Rose en entrant. « Je te laisse cinq minutes et tu as des problèmes. »

« Attrape le tournevis sonique » dit-il. « Mets-le sur C-5. Et fais attention à ta visée. Je veux les menottes fondues, pas mes mains. »

« J’étais bonne à la ferronnerie » dit-elle pendant qu’elle faisait ce qu’il avait demandé. « Mais ma mère pensait que les arts ménagers étaient plus appropriés pour une fille et m’a fait arrêter. »

Les menottes tombèrent. Il était libre. Il lui prit le tournevis et ramassa ses autres possessions. « Pourquoi est-ce que tu es là » dit-il. « Pourquoi tu n’es pas restée dans le canot ? »

« En voilà, de la gratitude ! Je t’ai sauvé. Ne t’inquiètes pas. Les Daniels sont sains et saufs. Je suis sortie du canot au niveau du pont de deuxième classe et venue te chercher. Le canot a continué. Ils sont loin maintenant. »

« Bien » dit le Docteur. « Ça, c’est réglé. Allons au TARDIS et allons-nous-en. »

« Euh… petit problème » dit Rose alors qu’ils émergeaient sur le pont maintenant fortement incliné. Elle pointait vers le bas. « Le TARDIS est là-bas Et tu disais que tu ne savais pas s’il flottait ou pas. »

« MERDE ! » dit-il, la deuxième fois qu’elle l’entendait jurer. Il appuya sur la clé mais rien ne se passa. « Quelque chose le bloque. Peut-être l’angle du bateau. On va devoir sortir du navire par la bonne vieille méthode. »

Il courut avec elle vers le haut où le dernier des canots était en train de se remplir. Il commença à descendre alors qu’ils atteignaient la barrière. Le Docteur regarda et vit qu’il n’était que partiellement rempli. Les marins, voulant lancer le bateau à tout prix, l’avait envoyé trop rapidement.

« Je te vois sur le Carpathia » dit le Docteur. Il souleva Rose dans ses bras avant qu’elle puisse protester et cria au matelot dans le canot le l’« attraper » avant de la jeter par-dessus bord. Il lança un regard en bas pour la voir se lever à bord du canot maintenant descendant rapidement, d’un air furieux et ébouriffé, mais aussi effrayé.

Il l’entendit crier.

« Dooooocteur ! »

Le dernier canot était parti. Le Titanic se trouva alors pris de panique. Les gens couraient aussi vite qu’ils pouvaient vers l’arrière du bateau – qui devenait rapidement le HAUT puisque l’avant, où le TARDIS se trouvait, plongeait plus profond et la poupe se soulevait hors de l’eau. Je manque de temps, pensa le Docteur, se cramponnant au bastingage et appuyant sur la clé du TARDIS encore et encore. Toujours rien. Est-ce qu’il était déjà sous l’eau, tombant au fond de l’océan ? Est-ce qu’il ÉTAIT étanche ? Tant de siècles voyageant dedans et c’était probablement la seule chose qu’il ne savait pas dessus.

Il savait une chose : toute personne restée à bord de ce navire quand il coulerait serait morte, tirée avec lui. L’autre choix était de sauter dans la mer glacée qui tuerait la plupart des êtres humains au moment même où ils la toucheraient, juste à cause du choc.

Mais le Docteur n’était pas humain. Ses deux cœurs signifiaient que son sang était plus rapide et contenait plus d’oxygène que celui d’un humain. Il avait une meilleure chance.

Il rangea la clé du TARDIS et son tournevis sonique dans sa poche et sauta. Il y avait du temps pour prendre une gorgée d’air, puis il heurta l’eau.

Même pour un Seigneur du Temps avec deux cœurs, une force et une endurance supérieure, ça faisait mal. La surface de l’eau ressemblait à un mur qu’il traversait. Chaque os de son corps était comme écrasé. Son souffle était à peine suffisant dans sa descente dans l’eau glacée et alors, par flottabilité naturelle, commença à remonter.

Il enleva ses lourdes chaussures en cuir pour aider son ascension. Quand sa tête sortit de l’eau, il put respirer, mais de peu. Il gelait. L’eau était glacée, l’air au-dessus gelait. Ses poumons le brûlèrent alors qu’il haleta. Mais son cerveau était clair et il savait qu’il devait nager pour le garder.

Il se jeta en avant et se propulsa à travers l’eau dans un crawl rapide, mais disgracieux. Il enleva les étouffants col Edwardien et cravate et les jeta, et il continua à nager avec toute sa force à travers l’eau noire et glacée, dans l’obscurité totale, ne sachant pas où il se dirigeait, à part que c’était loin du navire sinistré.

Il nagea pour dix, peut-être quinze minutes – ce qui semblait plus long à mesure que chaque mouvement de bars devenait plus dur et il se demanda si être un Seigneur du Temps signifiait qu’il mourait plus lentement et douloureusement que les humains.

Alors il sentit, plutôt qu’entendit, les cris des dernières âmes à bord du Titanic pendant qu’il s’enfonçait sous les vagues. Il cria presque de terreur alors que leurs derniers instants – tous en même temps – se gravaient dans son âme. C’était une sensation qu’il n’avait jamais connue auparavant. Il avait vu des mondes entier périr en un instant – et l’un d’entre eux était sa planète d’origine – et senti un milliard d’âmes crier à la fois. Mais les 1 523 âmes qui hurlaient maintenant ne blessaient pas moins dans les tréfonds de son esprit.

Il fit comme il faisait toujours dans ces moments terribles. Il se fixa sur une âme, une qu’il savait fixée sur lui. « Rose » héla-t-il de toutes ses forces. « Je suis là. Je te trouverai. Je ne sais pas comment… mais je te trouverai. »

Alors, dans le soudain silence qui suivit, il devint conscient de quelque chose. Nageant sur place, il mit sa main dans sa poche et sortit la clé du TARDIS. La lueur qui s’en échappait était comme une balise dans l’obscurité. Il appuya dessus et entendit, venant de l’océan, le son du TARDIS se matérialisant. Il le regarda remonter hors de l’eau glacée, une ceinture de sauvetage du Titanic coincée sur le linteau au-dessus de la porte par ses longues chaînes. Il nagea vers son vaisseau, remerciant peu importe quel destinée avait délogé son TARDIS du fond de l’océan au moment où le paquebot infortuné était descendu pour le rejoindre. Il se tira sur le pas de la porte et, s’y accrochant avec une main, il inséra la clé dans la serrure. Il tomba presque au travers des portes que les hordes de Genghis Kahn n’avaient pas réussi ouvrir. L’océan Atlantique non plus, il était heureux de l’apprendre

À bord du Carpathia, les officiers tentaient d’établir une liste des survivants.

« Mademoiselle… » L’officier avec un bloc-notes se tourna vers Rose, qui regardait la mer, cherchant… elle ne savait quoi. Le TARDIS n’était pas cette sorte de vaisseau, après tout, et dans tous les cas, il avait sombré avec le Titanic. « Mademoiselle… pouvez-vous me donner votre nom et votre numéro de cabine, s’il vous plaît ? »

« Rose Tyler » lui dit-elle. « Mais je n’avais pas de cabine. Je… J’étais un clandestin. »

« Je vous demande pardon ? » L’officier sourcilla de surprise. « Avez-vous dit… »

« Vous pourriez me jeter par-dessus bord, je suppose » suggéra-t-elle. Elle se tourna alors et sourit, mais pas à l’officier ahuri. Elle vit le drapeau de la Cunard Line battre dans la direction opposée et quelque chose de bleu qui n’avait rien à faire là. Elle dut jouer des coudes à travers la foule des survivants du Titanic et des passagers curieux du Carpathia pour atteindre le seul endroit sur le pont assez grand pour une matérialisation. La porte du TARDIS s’ouvrit quand elle l’atteignit. Le Docteur, vêtu de son vieux pull gris et de sa veste en cuir se pencha sur le cadre de la prote et lui sourit de sa propre façon.

« Je t’avais dit qu’on se reverrait sur le Carpathia » dit-il. « La famille Daniels est en sécurité ? »

« Oui » dit-elle. « Je les ai vu ce matin quand ils nous ont tous donné un petit-déjeuner. Ils sont choqués, comme tout le monde. Mais ils sont sains et saufs. »

« Donc… » Pendant qu’elle entrait dans le TARDIS, elle avait un million de questions. La première était probablement la moins importante. « Pourquoi le TARDIS n’avait pas répondu la première fois ? »

« Il n’aime pas être dans le mauvais sens » dit le Docteur. « Quand il est descendu avec le bateau il était dans le mauvais sens. Puis il s’est relâché et j’ai pu l’appelé. »
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« Mais tu étais bien. Tu n’as pas eu besoin de nager pour ça ? J’ai pensé que tu t’étais noyé. »

« Moi ? Me noyer ? Aucune chance. » Enfin, peut-être que si, pensa-t-il. Mais il n’allait pas lui dire. Son expérience dans l’eau la nuit dernière était l’une des multiples choses qu’il n’allait jamais partager avec elle, quoi qu’il puisse lui confier. « On devrait aller prendre Jack. Il doit en avoir marre de tenir compagnie à un touche-à-temps maintenant. »

« À quoi ressemble un touche-à-temps, alors ? » demanda Rose.

Sa question fut répondue en un temps très court. LE TARDIS se matérialisa sur le dock de Southampton. Jack était assis sur un banc à côté d’un garçon blême, très maigre, visiblement très mécontent d’environ huit ans, portant des menottes soniques qui le gardaient dans un rayon de trois mètres autour de Jack sous peine d’électrisation instantanée.

« Un touche-à-temps n’y touchera plus » dit Jack.
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« C’est juste un garçon » dit Rose. C’était le même garçon qui avait donné la note au Docteur quand le Titanic partait.

« Non, il doit avoir environ cinq cents ans » lui dit le Docteur, « Mais maintenant, il est coincé dans le temps réel sans possibilité de s’échapper. Un autre gavroche doué au vol-à-la-tire. Il trouvera bien un moyen de vivre. Mais il ne pourra plus interférer avec la ligne temporelle de ce monde. » Le Docteur retira les menottes et lui dit de décamper. L’ancien touche-à-temps obéit de son plein gré. « Donc, Italie au XVIIIe siècle, c’est ça Jack ? Ou tu voudrais laisser tomber ça et venir prendre le thé chez la mère de Rose ? »

« Ah ! C’est une offre dure à refuser ! » dit Jack d’une voix traînante. « Mais… dans l’ensemble… j’ai des trucs à finir là-bas. Vous pourriez sauter le thé et venir avec moi. »

« Non » insista le Docteur. « On prend le thé chez Jackie dès qu’on t’a déposé. »

« Tout va bien se passer, non ? » demanda Rose pendant qu’ils marchaient vers les HLM. Tout semblait bien se passer, pensa-t-elle. Mais la dernière fois aussi.

« Oui, je te l’ai dit. On a remis la ligne en place. Letitia Daniels a trouvé le remède contre le cancer infectieux il y a deux ans. Une campagne d’immunisation massive a prévenu l’épidémie et la souche aéroportée n’a jamais pu survivre. Et Preston North End ont TOUJOURS été champions cinq fois. »

« Ça, je n’y crois pas » dit Rose.

Alors qu’ils tournaient, son cœur plongea. Il y avait là une ambulance, comme avant.

Mais la police n’était pas là, elle réalisa. Personne n’avait de masque, et quand elle atteignit la porte, elle vit les ambulanciers emmener Mme Bryan, la vielle femme propriétaire de tous les chats du voisinage. Elle avait trébuché sur un des chats et s’était cassé une jambe. « Et le maudit ascenseur qui ne marche pas » elle entendit un ambulancier se plaindre. Mais Rose s’en moquait pendant qu’elle avalait les marches de l’escalier.

Le Docteur suivit derrière, notant avec regret que deux cœurs et un physique supérieur ne pouvaient rien contre une adolescente contente de rentrer chez elle.

Il atteignit le palier juste à temps pour voir Jackie et Rose s’étreindre comme si elles ne s’étaient pas vu depuis – depuis sept ans… Jackie le vit et lui dit que c’était des lasagnes, à prendre ou à laisser.

« Heureusement pour vous, j’en ai fait plein. Mickey et Linda viennent aussi avec le bébé. »

« Les lasagnes me vont très bien » dit-il. « Et allumez la télé. Preston North End et Burnley s’affrontent pour la Coupe cet après-midi. »

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